
Je n’étais pas du genre glamour. Avec moi, c’était télé et promenade du chien. Ma vie était riche d’érections autant qu’un désert d’oasis. J’avais 38 ans. Ma copine, Emma, avait douze ans de moins que moi. Elle était mince, avec des seins en obus hypersensibles : un ou deux attouchements, et elle s’offrait. Elle consultait un médecin pour cela.
Le médecin a répété le test : un frottement de serviette sur la poitrine, et c’était aussitôt comme des pétales qui s’ouvrent en accéléré avec les pistils et tout, la rosée en plus. En quelques secondes, il remplissait un tube à essais. Prescription : éviter la foule et les lieux exigus.
Emma travaillait à domicile. Pour les vacances, nous ne bougions pas. Une seule fois, nous avions tenté d’aller au bord de la mer. Grossière erreur. Le maillot la rendait folle d’excitation. À cela s’était ajoutée la vue des hommes nus. Tout s’était enchaîné jusqu’à lui faire perdre la raison. Elle avait disparu pendant trente-six heures. Je l’avais crue morte. Dès son retour, elle s’était enfermée dans la voiture, me demandant de partir au plus vite. Elle n’a jamais voulu parler de ces trente-six heures. J’ai préféré ne pas insister.
Pourquoi Emma m’avait-elle choisi, moi ? Je lui avais posé la question, une fois son état avéré : que faisait-elle avec un eunuque ?
- Pour guérir, m’avait-elle répondu. Avec toi, je ne risque rien. Des mecs qui veulent profiter de ma situation pour me sauter trois fois par jour, je n’en veux plus ! Avant toi, mes mecs, quand ils se mettaient à bander, peu importe où et pourquoi, ils ne me regardaient même pas, ils me pelotaient sans me demander mon avis, quelquefois même en continuant de lire le journal, même si je les repoussais. Ils savaient que je perdais toute maîtrise. C’est comme s’ils me faisaient avaler une drogue qui me faisait perdre toute inhibition. Alors, ils me sautaient. Quand je me plaignais, ils me répondaient que j’étais consentante, et de toute façon, je jouissais toujours la première, même jusqu’à perdre connaissance ! Un avocat, un jour, m’a envoyée promener, avant de vérifier que je ne lui avais pas menti, dans le couloir. J’ai mis un quart d’heure à m’en remettre. Souvent, il suffisait que je regarde mes seins pour être excitée. Maintenant, avec toi, Pablo, je suis sereine. Ma vie est presque normale. Je prends des comprimés de temps en temps, c’est simple. Savoir que tu ne m’as pas connue souillée, voilà ma consolation. Je ne pourrais plus vivre avec un homme qui m’aurait vue livrée ainsi, comme une bête.
C’était le mois de mai. Le 2 mai, je m’en souviens parfaitement. Le médecin a prescrit des vacances. Deux jours pour commencer. Pas davantage. Le monde entier a défilé dans mon esprit. Éviter la foule et les émotions fortes, avait-il dit. Oui ! Soudain, j’ai su : la Suisse. Hors saison.
Emma s’est réjouie. Que pouvait-il lui arriver, dans le pays du « cuckoo clock »? Je n’imaginais pas que le petit oiseau allait sortir plus souvent qu’à son tour. Nous sommes partis un mercredi matin très tôt. Retour prévu le jeudi soir. Nuit dans une chambre d’hôte excentrée. Deux visites : la mine de sel et le village de Gruyère. Avec ça, nous devions être tranquilles.
Échec sur toute la ligne.
À Bex, je découvre avec stupeur que la visite de la mine de sel se fait au moyen d’un petit train dans lequel on se tient entassés les uns contre les autres. Même hors saison, les wagons, moins nombreux, sont bondés. Quel imbécile je suis ! Les hommes lorgnent Emma, comme toujours, dès qu’elle est quelque part. Avec sa minceur, ses fesses musclées et surtout sa poitrine moulée dans un soutien-gorge renforcé pour éviter les sensations, elle ne passait pas inaperçue. Le guide nous a fait asseoir. Alors que j’étais déjà au fond d’un wagon, il a proposé à Emma de venir à l’avant avec lui. Oui, il y avait plus de place. Soulagée, elle l’a suivi.
Pendant une demi-heure, le petit train a frôlé les parois de pierre. Il cahotait et secouait tant ses passagers que je me réjouissais pour Emma : elle serait plus à l’aise à l’avant, avec ses comprimés… Une sueur m’a pris. J’ai ouvert mon sac : c’est moi qui les avais !
À l’arrivée, le guide est apparu, et nous a ouvert. Les visiteurs ont suivi ses indications. Lui devait garer le train plus loin. Aucune trace d’Emma. Puis j’avisais une main, sur le rebord de la portière, à l’avant ; j’ai reconnu ses doigts, la bague… Dès que le chauffeur a eu le dos tourné, je suis rentré dans le wagon de tête. Il a refermé les portes et le train a démarré. Une minute plus tard, tout était immobile. Le guide est sorti et s’est retourné vers Emma, toujours à l’intérieur.
- Tu es incroyable. Quelques secousses et tu t’es accrochée à moi comme une… ! Ah ! Tu es une sacrée cochonne, toi ! Des nénés pareils, j’en ai jamais vu. J’ai à peine posé ma main que t’étais partie… Bon, et moi, dans tout ça ? Non, ma belle, tu ne peux pas me laisser comme ça. Allez, je suis pressé, ils m’attendent…
Le guide ouvre sa braguette… Et ça recommence. Il se campe sur ses deux jambes, je me colle à la paroi pour mieux voir. Non, ne pas me manifester, ne pas crier ! Si Emma sait que je suis là, sa honte sera plus forte que tout, et elle me quittera. Ne rien dire. Emma sort de la cabine. Ses seins sont nus. Je prends conscience que je ne les ai pas vus depuis plusieurs jours. Ils ne m’ont jamais semblé aussi imposants. Quatre mains seraient nécessaires pour les soutenir. Leur rondeur est si ferme qu’on les croirait presque gonflés de silicone. L’homme les caresse. Elle ferme les yeux, écarte les jambes et s’agenouille. Il regarde à droite et à gauche. Pour la première fois, je vois Emma à l’œuvre. Ce qui était fantasme impossible, élucubration pathologique, fange ancienne, se manifeste sous mes yeux. La bouche ouverte happe le membre de l’homme ; celui-ci se baisse, caresse les seins d’Emma. Il se redresse, se tient d’une main au train et retient un cri, deux, trois, souffle…
- Vite, on nous attend.
Il referme sa braguette, Emma se relève péniblement, elle est dans un état de transe que je connais. Il hésite.
- Vous ne pouvez pas marcher, je vous retrouverai pour le retour. Restez ici.
Emma se réinstalle à l’avant. Le guide part en courant. Une heure trente, je suis resté seul, enfermé, sachant qu’Emma, à l’avant, restait prostrée, lèvres écartées : seule une satisfaction sexuelle la sortirait de là. Après chacun de ses tests, le médecin m’avait laissé seul avec elle. Mais j’étais incapable de lui rendre la vie. Alors, le brave homme revenait, me demandait de les laisser en tête à tête, et les cris que j’entendais m’apprenaient qu’il y mettait beaucoup de bonne volonté. Pourquoi n’étais- je pas allé voir un autre médecin, et non celui qui me connaissait depuis ma naissance ? Il savait que je ne pouvais rien pour elle, donc, que ce serait à lui de « guérir » Emma, une fois le test effectué… Mais je me suis raisonné : après tout, depuis qu’Emma le fréquentait une fois par mois, elle allait beaucoup mieux. Et des tests, d’après Emma, qui y allait seule à présent, il n’en faisait plus depuis six mois.
À la fin de la visite, les touristes ont été enfournés dans les wagons, et le train a démarré. Une fois dehors, j’ai retrouvé Emma toute émotionnée.
- Je dois être un peu claustrophobe, m’a-t-elle appris.
Le guide m’a serré chaleureusement la main. J’ai conduit nerveusement. Je prenais l’air décontracté, je ne voulais surtout pas qu’Emma se doute de quelque chose. Au bout d’un kilomètre, je me suis aperçu que, dans mon trouble, je m’étais trompé de chemin. J’ai fait demi-tour, les mains crispées sur le volant, je dérapais dans tous les virages, Emma s’en amusait follement au point que j’en souriais moi-même sincèrement, pour finir. Malheureusement, avec tout ça, un pneu a crevé. Pas de roue de secours. Moi et les questions matérielles, ça fait deux. J’avais oublié ma précédente crevaison, et le pneu crevé resté au fond du coffre.
Une heure plus tard, une dépanneuse est arrivée. J’étais comme un